Galerie de Laurette Wittner

J'ai hésité longtemps à inclure les icônes à cette galerie d'images. Parce que, même si ma main les a travaillé, je ne suis pour rien. Je dois mes gestes à mon Maître, et, à travers lui, à tous les iconographes qui l'ont précedé. Les icônes ne sont jamais signés, ils sont des copies tout en étant des originaux. L’iconographe reproduit les mêmes gestes depuis l’antiquité tardive, et à quelques variantes, les mêmes modèles. La technique exigeante de la tempera n’a pas changé avec les siècles, car elle amène à l’essentiel : une image longue à produire, exigeant de la technicité, de la patience et de la concertation, comme une forme matérielle de prière. L’esthétique de l’icône est, elle aussi resté la même, car elle sait ne reproduire que l’essentiel. L’icône n’est pas faite pour être belle, mais pour faire entrevoir la beauté inaccessible au regard. Elle appelle l’œil à se dépasser. Elle invite à la méditation, elle appelle au silence intérieur et à la contemplation.

La perspective de l’icône est inversée. Son point de fuite est celui qui la regarde. C’est donc l’image représentée qui voit l’observateur. Car c'est Dieu qui nous regarde, et pas nous que regardons Dieu.

J’aime savoir que mes gestes sont, avec moins ou plus de technique et compétence, les mêmes gestes invariants depuis toujours, de tous les iconographes. L’iconographie nous plonge dans une dimension du temps long, autre que celle de la vie humaine.